Arriver à associer l’art avec le monde du skate ? Pas l’art de poser des tricks dans des bowls, dans la rue ou dans des contests mais bel et bien l’Art avec un grand A.
Cette question, Romain Hurdequint commence à y répondre depuis peu mais ce n’est pas arrivé par hasard. Une idée, une passion, une réflexion l’ont mené jusqu’à cette finalité qui est aujourd’hui logique : Non les artistes ne peignent pas que sur toile, les sculpteurs ne sculptent pas que de la pierre, et les skaters ne se font pas connaître que sur le bitume.
L’amour de la planche a submergé Romain dès son plus jeune âge mais c’est depuis 5 ans qu’il travaille à rendre son imaginaire bien réel. Graphiste et WebDesigner de talent, son premier projet a été de créer un Tumblr : The Daily Board. Un blog où il poste 2 planches par jour… Pendant 4 ans ! ! Ce n’est pas moins de 3000 boards qu’il publie mais attention, ce ne sont pas des boards prises au hasard au détour d’un skatepark pour un simple grip ou un custom stylé. Non, nous sommes déjà à la recherche d’artistes utilisant le skate comme support artistique, comme une toile que l’on peint. C’est donc dans cette idée que son esprit progresse et que la réflexion commence à se dessiner.
Alors, une question se pose, pourquoi ne pas en faire un livre ? Et oui le sport c’est surtout des exploits, des photos, des vidéos afin d’avoir une trace visuelle de l’effort. Il manque quelque chose au Skate Art. Imaginez le 900 de Tony Hawk mais juste raconté par écrit, la grosse Bertha de Candide Thovex lu seulement dans un journal intime. Sans photo, sans image, sans vidéo, comment faire ressentir la pression, la puissance et la beauté de l’instant. Romain a eu la bonne idée d’allier l’écriture à l’illustration. L’histoire du réveil des artistes utilisant le skate comme exutoire.
Bien sûr, c’est un travail de titan qui l’attend : travailler les prototypes, trouver une maison d’édition, contacter des artistes du monde entier et obtenir les droits d’utilisation des œuvres. Tout cela ne se fait pas en un jour. Mais laissons un peu la parole au principal intéressé :
Romain, peux-tu nous expliquer comment on rédige un livre illustré comme celui-là ? Par où commence-t-on au vu du grand nombre d’œuvres que tu as référencées ?
Avec beaucoup de sueur et d’obstination ! C’est marrant parce que je me suis lancé dans ce projet tête baissée, sans me dire que ça irait aussi loin. A la base, je voulais créer un e-book de 100 oeuvres à base de skate que j’avais chiné sur Internet et qui m’avaient mis une vraie claque.
Très vite, un ami qui dirige une agence de communication (coucou Cyril sama) a été bluffé par ma maquette et m’a proposé d’imprimer une dizaine de prototypes papier du livre pour voir. Le rendu était cool, bien qu’à des années lumières du livre Skate Art qui existe aujourd’hui.
En regardant pour le commercialiser et le distribuer, on s’est rendu compte que ça allait vraiment être très compliqué. J’ai alors contacté 7 maisons d’éditions, 2 m’ont proposé un rendez-vous et ça a vraiment matché avec une.
A partir de là, nous sommes partis dans un processus de création de 2 ans.
Le livre a été complètement remanié, du concept, à la maquette en passant par tout le contenu même du livre. L’objectif était de faire une bible de tout ce qui avait été fait en terme d’illustration, de peinture, de gravure ou de sculpture à partir d’un ou plusieurs skateboards. En fait, créer une sorte de panorama de toute la créativité autour de ce support.
J’aurai voulu en montrer toujours plus, surtout que des planches incroyables sont créées tous les jours, mais l’éditeur a voulu limiter le livre à 300 pages (le livre fait au final 320 pages, j’ai réussi à en gratter un peu plus, ahah).
Vous l’aurez compris, le projet de Romain est un énorme mix entre purs passionnés de skate et ceux qui se sont appropriés les différents supports artistiques.
Mais Romain ne s’arrête pas là. Des tas de projets en tête, la recherche des artistes et de leurs œuvres l’ont encore plus imprégnés de cette nouvelle définition du Skate Art. Il se lance alors dans l’organisation d’expositions autour des boards d’artistes. Après avoir vu et décrit toutes ses œuvres, vient enfin le moment de les toucher, de les voir en vrai mais surtout de les faire découvrir aux visiteurs. C’est effectivement un vrai plaisir pour Romain de faire découvrir ce milieu à tous.
Après avoir fait le premier pas en faisant découvrir le Skate Art par le biais d’un livre, l’aboutissement n’était-il pas de voir les œuvres en vrai ?
Je n’osais même pas en rêver pour être franc… et ça s’est fait vraiment naturellement.
Au lancement du livre, les Editions Cercle d’Art et moi avons chacun créé un évènement dans nos villes respectives. De leur côté, ils ont préparé une vente aux enchères au profit de Skateistan à Paris. De mon côté, j’ai organisé un vernissage où toutes les planches du livre ont été mappé (le fait de projeter de la lumière, de l’image ou des vidéos sur des volumes) sur une installation de 34 skate à Lyon (big up à Louis Clément pour le mapping).
La programmatrice artistique de Superposition m’a proposé d’organiser une exposition dans leur galerie et c’était parti 🙂
C’est clairement un aboutissement ! Pour travailler dans le digital et avoir toujours fait The Daily Board dans mon coin, le fait d’avoir un objet physique comme un livre était déjà fou. Aller jusqu’à organiser des expositions et pouvoir partager ça avec un public de curieux ou de passionnés, c’est extraordinaire !
Nous pouvons être fiers d’avoir organisé en collaboration avec Darwin Bordeaux, Chalk Custom Board et Roarockit Skateboard Europe une exposition d’art sur skate qui s’est déroulé pendant 1 mois à Bordeaux : The European Custom Show #2 rassemblant près de 70 artistes venant de toute l’Europe et 250 boards custom. Pour cette exposition, Romain s’est illustré en y apportant une nouvelle touche artistique : le tatouage de board.
Peux-tu nous éclairer sur ton projet d’allier le monde du tatouage et le Skate Art ?
La première exposition que j’ai co-organisé est la Skate Station 001 l Skate collector.
L’idée était de mettre en avant une sélection de planches modernes et vintage, issues de ma propre collection et de celle du collectionneur Dimitri Jourdan. La galerie d’exposition Sitio par Superposition, avec qui nous avons collaboré, nous a confié un mur de la galerie pendant deux semaines et ça a été un franc succès !
Après cela, l’équipe de Superposition m’a proposé de faire une nouvelle exposition dans les 230m² de la galerie. Toujours dans le thème du Skate Art mais avec quelque chose de nouveau.
En retombant sur le travail du tatoueur Pierre Bonzon sur deux skateboards, je me suis dit que c’était la bonne formule : faire encrer un diptyque de planches de skate par des tatoueurs. Nous avons donc donné deux skateboards à 17 artistes-tatoueurs lyonnais. Et en creusant, j’ai vu que ça avait beaucoup de sens !
Ce sont deux cultures subversives, issues de la culture punk, très proche qui se rencontre au début des années 80. A cette période, la légende du skate Jay Adams se fait tatouer à 19 ans le logo ‘Thrasher’, à une période où le nom de ce magazine était tout sauf mainstream. D’anciens pro-skateurs des années 80 sont aussi devenus de grands tatoueurs comme Adam McNatt ou Eric Dressen. D’ailleurs, de nos jours, il est courant de croiser des skateboards accrochés aux murs dans les salons de tatouage.
C’est donc pour rendre hommage à cette ‘bromance’ que nous avons voulu faire cette expo. Et pour aller plus loin, nous avons demandé au photographe Paul Daubié de réaliser des portraits à l’argentique de chaque tatoueur pour accompagner les boards.
Et l’on peut dire que ce fut une belle réussite : 500 visiteurs sont venus voir l’exposition en deux semaines, la presse a pas mal communiqué sur l’évènement et nous avons eu que des retours positifs !
Parce que Romain n’en a jamais assez, il a lancé un autre projet : TigerClaw Supplies. Après avoir trouvé les boards, organisé les expositions et amené les artistes, il fallait bien accrocher les boards quelque part de la meilleure des façons. Et quoi de mieux qu’une attache complètement invisible afin de donner un effet d’apesanteur aux boards exposés ? Romain l’a fait !
Comment t’es venu cette idée et avec qui l’as-tu concrétisé ?
Alors que je commençais à bricoler des fixations murales de skate pour chez moi, Keflione, du studio créatif RoyalClub Shanghai (avec qui j’avais déjà collaboré pour la série de planches Polar Totem, réalisée pour la sortie du livre) m’a dit qu’il galérait à installer ses planches chez lui. Il a passé plusieurs semaines à réfléchir au problème avant de me montrer une esquisse de la fixation murale idéale : en métal donc solide, blanche pour être discrète, un design simple et des vis transparentes pour ne pas voir la planche une fois installée.
C’est comme ça que nous avons lancé Tigerclaw Supplies : une marque de produits dédiés à l’univers du skate. Nous avons commencé par créer ces fixations de skate, puis une gamme de skateboards non-vernis pour permettre aux artistes de créer leurs oeuvres facilement. Pour finir, nous sommes en train de développer une première collection capsule de vêtements.
Vous l’aurez compris, Romain n’est pas un simple fervent passionné du Skate et de l’univers Skate Art, ce concept qu’il démocratise par l’intermédiaire d’actions marquantes dans l’air du temps. Le skate ayant toujours été connu par des vidéos amateurs, des couvertures de magazines et de l’image street, pousser son évolution jusqu’à l’ouverture sur l’art est un défi que Romain gravit avec dextérité dans ses nombreux projets. Nous ne pouvons que lui souhaiter de continuer et le soutenir en suivant son travail sur ses différents réseaux : “Romain behance The Daily Board” “Romain Instagram” “lien boutique SkateArt”. Son livre “SkateArt” est disponible sur notre site internet en cliquant ici : Roarockit Skateboard Europe Skate Art by Romain Hurdequint
Le mot de la fin pour Romain :
Merci beaucoup Roarockit Skateboard Europe pour cet échange et longue vie à l’art sur skate (qui n’en est qu’à ses débuts, j’en suis sûr !)